L’ingérence étrangère et la complicité de l’élite locale sont, entre autres, des facteurs déterminants de la crise politique actuelle en Haïti.
Après des siècles d’esclavage, Haïti proclame finalement son indépendance le 1er janvier 1804, mettant ainsi fin au joug colonial français basé sur l’inégalité et la souffrance. Cette prouesse, issue d’une série de luttes, notamment la bataille décisive du 18 novembre 1803 à Vertières, a montré au monde entier que les Noirs peuvent s’autogouverner.
Toutefois, 220 ans plus tard, cette première république noire indépendante est sous l’emprise de puissances étrangères qui n’hésitent pas à imposer leur politique néolibérale. Cette réalité va jusqu’aux choix politiques, car même lorsque les Haïtiens expriment leur volonté à travers les urnes, le poids de la communauté internationale semble être déterminant. Cette ingérence de la communauté internationale dans les affaires internes d’Haïti excède plusieurs décennies et devient de plus en plus préoccupante pour les groupements sociaux, les réflexions universitaires, les médias et lors des mouvements populaires.
Avec un tel contraste, comprendre cette influence internationale en Haïti implique d’examiner un ensemble de facteurs historiques, politiques, économiques et environnementaux qui ont considérablement affaibli le pays. Depuis la première occupation américaine d’Haïti de 1915 à 1934, après l’assassinat du président Vilbrun Guillaume Sam à la légation française, les questions internes d’Haïti suscitent toujours un vif intérêt au niveau international. Par conséquent, ce travail vise à mettre en lumière les facteurs qui ont maintenu Haïti dans une dépendance vis-à-vis de l’internationale. Depuis plusieurs décennies, Haïti a fait l’objet d’une vague importante d’interventions étrangères dans ses affaires internes, pour diverses raisons. D’abord, la faiblesse des institutions nationales et la complicité problématique des acteurs locaux sont déterminantes dans la détérioration des conditions socio-économiques et politiques du peuple haïtien. À l’ère de la mondialisation, où les frontières s’estompent, les pays sont de plus en plus interconnectés, renforçant l’intervention de certains pays dans la politique interne d’autres peuples. Cependant, ces interventions internationales, qui se font généralement sous l’étiquette d’actions humanitaires, s’orientent dans d’autres directions. Ce qui s’explique par le souci des pays étrangers de prioriser leurs intérêts économiques et politiques avant celui de la population locale. Cette dynamique récurrente dans la vie politique haïtienne vaut la peine d’être analysée en profondeur afin d’expliciter ses différents contours.
Le passé esclavagiste d’Haïti au cours du 19e siècle, la question de la dette de l’indépendance et l’imposition des politiques néolibérales du 20e siècle pèsent lourd dans le contexte actuel. La politique néolibérale, telle que conçue par Karl Polanyi et Paul Pierson, enracinée dans les idéologies économiques du XXe siècle, accentue davantage les inégalités, fait augmenter le niveau du chômage structurel et fragilise les économies lors des crises financières. De plus, une prise en compte des séquelles historiques est essentielle pour comprendre l’origine des conditions socio-économiques et politiques déplorables d’Haïti à travers son histoire. Ainsi, l’aspect historique demeure un repère déterminant. La colonisation hispano-portugaise dès la fin du XVe siècle, marquée par les répressions, le viol et l’expropriation, a laissé de profondes séquelles sur les structures socio-économiques d’Haïti, héritées de l’époque coloniale. Cette tranche d’histoire forge un héritage basé sur l’inégalité favorable à une petite élite économique au détriment de la grande majorité de la population. Ce qui élargit les fossés de classe dans la société. Par ailleurs, le 19e siècle, qui est une période charnière de l’histoire d’Haïti, a été principalement consacré à la reconnaissance de l’indépendance et la question des dettes extérieures.Cette période mouvementée de l’historiographie haïtienne est importante pour comprendre le retard d’Haïti tant sur le plan politique que sur le plan économique. Pour un nouvel État indépendant, le paiement de 150 millions de franc-or à la France dès 1825 afin de compenser les pertes causées aux propriétés des colons lors des révoltes retarde le développement d’Haïti. Au-delà des séquelles historiques, la complicité des acteurs locaux reste non négligeable dans la mainmise de l’influence étrangère en Haïti. Ainsi, en favorisant des politiques économiques désastreuses profitables aux intérêts des étrangers au détriment du bien-être de la population, l’élite locale enfonce le sous-développement et accroît la dépendance du pays, étouffant tout effort de progrès.
Les défis complexes auxquels Haïti est confronté sont lourds de conséquences fâcheuses. Le contexte haïtien, caractérisé par de nombreux problèmes, allant de l’instabilité politique à la crise économique, en passant par la fragilité des institutions démocratiques, amplifie les tensions antérieures. Les relations entre les acteurs politiques et leurs homologues internationaux créent souvent des dynamiques de dépendance et d’influence disproportionnées. Si l’aide fournie par la communauté internationale peut soulager dans quelques cas, elle ne peut résoudre les problèmes structurels du pays. Cette méthode sert aussi de moyen de chantage pour influer sur d’importantes décisions auprès des acteurs locaux. D’autres manœuvres rentrent en jeu également, telles que les sanctions et les restrictions commerciales, pour contraindre les acteurs à se conformer aux attentes extérieures.
En somme, si le peuple haïtien dispose du droit de décider de son avenir politique, économique et social, l’influence de la communauté internationale demeure un facteur déterminant dans les décisions importantes, notamment les choix politiques. Une réalité qui relève de facteurs tels que les lourdes séquelles dues au passé colonial d’Haïti et la consécration des revenus du trésor public au remboursement de la dette française. Ce qui empêche l’envol du pays au cours du XIXe siècle. De plus, la connivence de l’élite politique locale constitue également un pilier important renforçant la dépendance d’Haïti à l’égard de l’international. Et ceci, malgré les importants efforts des Haïtiens qui ont montré une résilience extraordinaire pour (re)construire et développer leur pays, faisant face à la pauvreté, à la corruption et aux catastrophes naturelles. Maintenant, il est plus que nécessaire de rassembler toutes les forces vives de la nation afin de relever les multiples défis auxquels Haïti est confrontée, en restant fermement attaché aux principes de souveraineté et de démocratie participative, en renforçant les institutions, la transparence, etc