Piégée entre la violence des gangs et la méfiance des communautés, une partie de la population haïtienne vit un véritable cauchemar. Alors que Delmas, Bas-Delmas et d’autres zones sont tombées sous le contrôle des hommes armés, les habitants fuient dans l’urgence, laissant tout derrière eux. Mais leur calvaire ne s’arrête pas là : sans pièce d’identité, certains risquent d’être lynchés par des groupes de vigilance, convaincus qu’ils sont des infiltrés. Entre terreur et rejet, des milliers de familles sont aujourd’hui sans abri, sans nourriture et sans espoir.
Depuis plusieurs mois, la montée en puissance des gangs armés en Haïti transforme des quartiers entiers en zones de non-droit. Ce qui n’était autrefois que des foyers isolés de violence s’est étendu à grande échelle. Bas-Delmas, autrefois un secteur dynamique, est maintenant entre les mains des criminels. Récemment, Delmas 30 et 19 sont tombés, et aujourd’hui, c’est tout le corridor de Delmas, du numéro 1 au 30, qui est sous occupation. Les scènes qui circulent sur les réseaux sociaux et dans les médias sont insoutenables : maisons incendiées, habitants exécutés sans pitié, familles anéanties. Parmi les images les plus marquantes, celle d’un père poussant une brouette contenant le cadavre de son fils, victime de cette barbarie, a ému tout le pays. Une autre, plus glaçante encore, témoigne du destin tragique d’une mère, morte sous le choc après avoir vu des bandits jeter son bébé dans les flammes à Kenscoff.
Fuir ou mourir : un choix impossible
Face à l’invasion brutale des gangs, les habitants n’ont qu’une seule issue : la fuite. Mais dans la panique, beaucoup partent sans rien emporter, laissant derrière eux leurs biens, leurs souvenirs et parfois même des proches incapables de fuir.
Ceux qui parviennent à échapper aux violences se heurtent à une autre menace : la méfiance des communautés où ils tentent de se réfugier. Dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince comme Canapé-Vert, Paco, Debussy et Bourdon, des brigades de vigilance se sont formées pour protéger la population. Mais cette surveillance, bien qu’ayant permis d’empêcher l’infiltration de certains criminels, met aussi en danger des innocents.
Ralph, un habitant de Canapé-Vert, témoigne : « Il y a des fouilles en permanence. Si vous n’avez pas de pièce d’identité pour prouver d’où vous venez, vous risquez d’être accusé d’être un espion des gangs. Bwa Kale ne fait pas de distinction : sans papier, vous êtes en danger. »
L’abandon et la détresse des déplacés
Alors que des milliers de familles se retrouvent sans abri, la réponse des autorités et de la communauté internationale se fait attendre. L’État, dépassé par l’ampleur de la crise, semble impuissant à gérer cette catastrophe humanitaire.
Dans les rues, sous des tentes de fortune ou dans des écoles temporairement réquisitionnées, les déplacés manquent de tout : nourriture, eau potable, soins médicaux. L’absence d’une aide organisée aggrave leur souffrance, les laissant dans une détresse absolue.
Quelle issue pour Haïti ?
Alors que la violence se répand et que la méfiance fragilise davantage la cohésion sociale, Haïti s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos. Les populations déplacées, rejetées de toutes parts, sont abandonnées à leur sort.
Jusqu’à quand cette situation va-t-elle durer ? Combien de zones tomberont encore sous le contrôle des gangs avant qu’une solution durable ne soit mise en place ? Si rien n’est fait rapidement, le pays risque de s’enliser dans une crise humanitaire et sécuritaire encore plus profonde. Le cri des victimes ne doit pas rester sans réponse. L’heure n’est plus aux discours, mais à l’action.
